La Michna, qui signifie "enseignement" dans le langage de nos Sages, est un corpus de lois regroupées par compartiments, appelés Sedarim (pluriel de Séder), chaque compartiment étant lui- même composé de différents traités ou Massékhtot (pluriel de Massékhet). Composée par le "Prince d'Israël", RABBI YEHOUDA HANASSI (appelé tout simplement RABBI dans les Michnayot et le Talmud, ou encore RABBÉNOU HAKADOCH), la Michna reprend l'essentiel des enseignements de la partie Halakhique (c.-à-d. relatives au détail des ordonnances) de la Loi Orale, en présentant les conclusions de principaux Tanaïm, c.-à-d. des maîtres qui le précédèrent durant les cinq générations précédentes, à savoir depuis l'époque de son aïeul, HILLEL "l'Ancien".
L'ensemble des Michnayot est appelé dans les Maisons d'Étude (Yechivot) : le "Chass" [
הַמִשְׁנָיוֹת]
, composite de deux lettres "Chin" [ש] et "Samekh"
[ס] qui forment les initiales des mots
Chicha Sidré Michna [שישה סדרי משנה], ce qui signifie "Les Six Compartiments de
la Michna". En
effet, RABBI YEHOUDA HANASSI décida d'ordonner les Michnayot en 6 compartiments, chaque
compartiment (appelé "Séder" par nos Sages) étant focalisé sur un domaine religieux
spécifique :
- Le Séder ZRAIM (Litt. les "SEMENCES") : Il couvre les lois agricoles relatives
essentiellement à la
Terre d'Israël.
- Le Séder MOÈD (Litt. les "MOMENTS") : Il couvre les lois relatives aux
événements qui jalonnent le
calendrier hébraïque.
- Le Séder NACHIM (Litt. les "FEMMES") : Il couvre les lois matrimoniales
- Le Séder NEZIKIN (Litt. les "DOMMAGES") : Il couvre les lois civiles et pénales
- Le Séder KODACHIM (Litt. les "SACRIFICES") : Il couvre les lois relatives aux
différents services
effectués dans le Temple.
- Le Séder TAHAROT (Litt. les "PURETÉS") : Il couvre les lois relatives aux
différents types et degrés
d'impureté ainsi qu'aux modes de purification.
Chaque Séder est lui-même subdivisé en plusieurs "traités". Chaque traité (appelé "Massékhet" par nos Sages) expose les lois relatives à un sujet spécifique faisant partie du domaine religieux afférent au Séder considéré. À titre d'exemple, la Massékhet "Chabbath" va traiter des lois relatives au jour de Chabbath dans le cadre du Séder "Moèd" qui couvre le secteur religieux des fêtes et autres occasions du calendrier juif traditionnel. Il y a au total 63 traités.
À son tour, chaque traité est composé de chapitres (ou "Perek" en hébreu). Chaque chapitre recense des lois censées former un groupe homogène. Il est ainsi composé de lois successives pouvant éventuellement faire l'objet d'une discussion entre les Tanaïm des différentes générations. Elles sont présentées les unes à la suite des autres, en étant numérotées depuis la lettre א (qui signifie "1",ב signifiant "2",י"א signifiant "11", et ainsi de suite). Chacune de ces lois est appelée une "Michna". Le nombre de Michnayot comprises dans un chapitre est variable, de même qu'est aléatoire le nombre de chapitres constitutifs d'un traité. Voici un tableau synthétique du "Chass" de Michnayot.
Afin de comprendre la place que la Michna occupe dans la transmission de la Torah, génération après génération, écoutons ce que nous enseigne le Rambam (Rabbi Moché Ben Maïmone) [1135-1204] dans l'introduction de son oeuvre gigantesque couvrant l'ensemble des lois de la Torah, le "Michné Torah", dont voici les paroles :
« Tous les commandements de la Torah, ainsi que les différentes lois et explications qui y sont afférentes, furent transmis par Hachem à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï, comme il est écrit [Chémot 24, 12] : « Et Je te donnerai les "Tables de Pierre", la "Torah" et la "Mitsva"...», la "Torah" couvrant les versets de la "Loi Écrite" et la "Mitsva" couvrant l'explication de cette dernière. Ainsi, à travers ce verset, Hachem nous ordonne d'accomplir les paroles de la "Loi Écrite" à travers le prisme de la "Mitsva" qui n'est autre que la "Loi Orale".
Avant de mourir, Moché Rabbénou écrivit, de sa propre main et dans son intégralité, toute la "Torah" (le "Pentateuque") sous la forme de rouleaux, et ce, en 13 exemplaires ; il en transmit un aux chefs spirituels de chacune des douze tribus d'Israël et déposa le dernier dans l'Arche Sainte. La "Mitsva", qui englobe l'ensemble de la Loi Orale (tant concernant sa partie législative - la "Halakha" - que ses développements exégétiques - la "Haggada") ne fut pas écrite, mais transmise de maître à élève sous forme d'enseignements. Cette transmission orale, initiée par Moché Rabbénou lui-même, fut effective jusqu'à la période qui suivit la destruction du second Temple (env. an 70 de l'ère vulgaire) jusqu'au moment où RABBI YEHOUDA HANASSI (également appelé RABBÉNOU HAKADOCH) mit par écrit (en l'an 218) la substance moelle de la partie relative aux lois ; c'est le corpus de la Michna. »
En fait, depuis Moché Rabbénou (env. -1300 de l'ère vulgaire) jusqu'à l'exil de Babylone (env. -400), la "Loi Orale" fut transmise par le biais d'une approche analytique des textes de la Torah, un peu sur le modèle des livres composant ce qu'il est commun d'appeler le "Midrach Halakha", comme le Mekhilta, le Sifra et le Sifri. Ainsi, les principes et les lois détaillées de chaque commandement étaient directement déduits des versets de la Torah, chaque lettre et mot de cette dernière ouvrant à une analyse qui mettait en exergue les explications et les commentaires que Moché Rabbénou avait reçu directement de Hachem au Mont Sinaï.
Le retrait de la "Présence Divine" (Chekhina) de ce monde consécutif à la destruction du premier Temple, associé aux persécutions perpétrées par les royaumes babyloniens puis perses, engendra un marasme spirituel où "l'oubli" commença à s'installer parmi le peuple juif. C'est à cette époque que certains commencèrent à transgresser des commandements aussi sacro-saints que le Chabbath (voir traité "Chabbath", 123b) ce qui ouvrit la voie à la multiplication d'injonctions rabbiniques dont le but fut de créer des barrières, ou encore des remparts, afin que soient préservées le respect des lois de la Torah.
Dès l'époque de la construction du second Temple, notamment sous l'impulsion des "Sages de la Grande Assemblée" (composée de 120 membres parmi lesquels on comptait les derniers prophètes 'Haggaï, Zekharia et Malakhi ainsi que Mordekhaï, Ezra et Ne'hamia et le Grand-Prêtre Chimon HaTsadik), en passant par la période des "Zougot" - ou binômes - qui précéda celle des Tanaïm, maîtres de la Michna), les décrets rabbiniques proliférèrent, ce qui contribua à enrichir la "Loi Orale" dont les enseignements ne furent dès lors plus forcément liés directement aux versets de la Torah.
Selon le Rav Cherira Gaon [1135-1204] (Iguéret, Chap.6, §10 et Chap.9, §1), c'est ce qui conduisit les maîtres des générations du second Temple à modifier progressivement le mode de transmission de la partie "Halakhique" (relative au détail des préceptes) de la "Loi Orale", en adoptant notamment une approche plus thématique où les enseignements commencèrent à être regroupés par "traités" couvrant tant les lois de la Torah que celles instaurées par nos Sages. Cette altération s'amplifia après la destruction du second Temple où les persécutions de l'Empire Romain, associées au début de l'exil final (qui se poursuit encore aujourd'hui), la transmission orale devenant de plus en plus difficile. L'absence du Temple, ainsi que l'interdiction de se réunir pour étudier la Torah, engendra un climat de clandestinité qui segmenta les écoles et entraina une déperdition dans l'acuité des enseignements millénaires de la "Loi Orale". Face à ce constat, et profitant de l'exceptionnelle bienveillance de l'Empereur romain Antoninus (qui vers la fin de sa vie fut converti au Judaïsme), RABBI YEHOUDA HANASSI entreprit (suite à une révélation de "l'Esprit Saint" ou Roua'h Hakodech) la compilation de ces enseignements sous forme écrite. Afin de composer cette oeuvre de référence, il ne rechigna pas à apprendre en tant qu'élève chez chacun des maîtres de sa génération : RABBI YEHOUDA, RABBI CHIMON BAR YO'HAÏ, RABBI MEÏR, RABBI YOSSI, RABBI ÉLAZAR BEN CHAMOA', etc.
En fait, il est rapporté (Ibid., Chap.6, §3) que RABBI YEHOUDA HANASSI disposait initialement de 13 versions différentes de chaque enseignement qu'il avait appris. C'est au moment de composer les Michnayot qu'il se ravisa et conclut qu'il fallait opter pour le dépouillement, ce qu'il ne faut pas comprendre comme le choix de proposer une version édulcorée, confinant à la vulgarisation de ces enseignements.
En effet, répondant au besoin de contrer la dégradation spirituelle croissante des générations, il décida de la rédiger de la manière plus concise possible, dans un style récurrent où les symétries de langage facilitent l'apprentissage par coeur. Ce point est essentiel, car il faut savoir que les Michnayot furent avant tout écrites afin qu'elles soient assimilées par le plus grand nombre, chaque étudiant en Torah étant un maître en puissance. La Michna ne pouvant par conséquent être exhaustive, elle dut être rédigée selon une formulation où chaque enseignement est un moyen d'interpeller l'étudiant sur ce qui n'est pas écrit (faute de place), mais qui doit être appris. C'est ce qui explique son langage "fermé", parfois contradictoire, souvent difficile d'accès, toujours source d'interrogation. C'est que la "Loi Orale" n'est pas un corpus statique qui peut être appréhendé comme une science profane ; c'est un corps vivant, qui n'a de sens que lorsqu'il interagit avec l'âme du juif qui l'étudie !
C'est cette approche conceptuelle, typique de la manière dont chaque juif doit aborder l'étude de la Torah, qui ouvrit la voie au développement du Talmud qui fut écrit près de trois siècles plus tard !
Corpus de base de la partie "Halakhique" (c.-à-d. relative aux préceptes et amendements de la Torah et des Sages), elle constitue à ce titre le socle de la pratique du Judaïsme. Son étude, qui compose l'essentiel des textes du Talmud et des explications de Richonim (maîtres de la période médiévale parmi lesquels figurent Rachi et le Rambam) a abouti, plus de 13 siècles plus tard, à la rédaction du Choulk'han Aroukh par Rabbi Yossef Karo (agrémenté des remarques du Rav Moché Isserlis), oeuvre canonique qui a scellé définitivement l'essentiel des lois telles qu'elles sont appliquées de nos jours.
Durant toutes les générations, depuis le début de l'exil d'Édom qui commença avec la destruction du second Temple, nos maîtres ont insisté sur l'importance de l'étude de la Michna. En effet, au-delà des enseignements essentiels qu'elle propose, le fait d'appréhender sa structure si particulière et de se familiariser avec son langage épuré à l'extrême constitue les vecteurs qui seuls peuvent permettre à l'étudiant en Torah digne de ce nom de "construire" ses connaissances et son esprit et d'ainsi être en mesure d'accéder à la véritable érudition.
Voici quelques extraits de propos que nos maîtres, à différentes époques, dispensèrent sur l'importance de l'étude des Michnayot.
Le Talmud rapporte [Sanhédrin, 89a] : De qui parle le verset qui dit [Bamidbar 15, 31] : « Car il a méprisé la parole de Hachem... » ? RABBI NATHAN dit qu'il fait référence à celui qui ne porte pas attention aux Michnayot, c.-à-d. qui ne leur donne pas la place essentielle qu'elles possèdent dans le corpus de la Loi Orale [Rachi]
Le Maharal de Prague ['Hidouché Haggadoth] explique que RABBI NATHAN parle ici d'une personne qui étudie le Talmud avec assiduité, mais qui ne se concentre que sur les discussions élaborées dans la Guemara. En effet, ces dernières ne constituent que du Pilpoul (c.-à-d. des propositions émanant de considérations émanant de la logique [סְּבָרָא] ou de constructions intellectuelles sujettes à débat), pas la parole même de Hachem ! La Michna est, pour sa part, la parole de Hachem par excellence, car elle expose les lois et les principes cardinaux qui régissent chacune des 613 Mitsvot. Ainsi, tandis que la Michna est la parole du D. Vivant, le Pilpoul n'est qu'un ensemble de propositions que les hommes bâtissent sur celle-ci. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre que celui qui délaisse l'étude de la Michna au profit de celle du Talmud exclusivement "méprise la parole de Hachem" !
Ainsi, le Maharal [Drouch sur la Torah] poursuivit en disant qu'il était regrettable qu'à son époque (a fortiori durant la nôtre !) la majorité des maîtres et étudiants en Torah délaissent l'étude des Michnayot, estimant que celles-ci ne suffisent pas pour être qualifié "d'érudit" [תלמיד חכם] et qu'il faille pour cela concentrer ses efforts sur le Talmud exclusivement. Quelle erreur ! La propagation d'une telle conception n'est autre que la concrétisation du verset « Car il a méprisé la parole de Hachem... » !
Il est rapporté dans le Midrach Rabba [Vayikra Rabba Chap.7, §3] : Les différentes diasporas ne seront rassemblées que grâce à l'étude des Michnayot (car la Michna couvre l'ensemble des Mitsvot de la Torah, contrairement à la Guemara qui traite prioritairement des lois applicables depuis la destruction du second Temple [Radal]). C'est ainsi qu'il est écrit [Hochéa' 8, 10] : « Alors même qu'ils donneront leurs présents parmi les nations, je les rassemblerais... », le terme "donneront" [ְיִתְנוּ] devant être compris par étudieront [יִלְמְדוּ]. En effet, le Maarzo (un des commentateurs de référence du Midrach Rabba) explique que le mot «יִתְנוּ» est de la même racine que les expressions araméennes «ְנתן» ou «מַתְנִיתִין» qui signifient : « il est enseigné dans notre Michna ». C'est par leur étude, qui couvre l'ensemble des lois contenues dans les 613 commandements, que la délivrance viendra et que le peuple d'Israël sera uni sur sa terre avec le Machia'h pour guide.
Le Midrach Rabba [Vayikra Rabba Chap.21, §5] dit : « En vérité, l'homme doit s'investir dans l'étude des Michnayot, car ce n'est que lorsqu'il en acquiert la connaissance que s'ouvrent devant lui les portes de la compréhension de toute la Torah ; c'est alors qu'il pourra comprendre correctement et durablement le Talmud s'il désire étudier la Guemara, ou encore accéder aux profondeurs du Midrach et des Aggadoth s'il porte ses efforts sur l'étude des exégèses. RABBI ÉLAZAR dit au nom de RABBI YEHOCHOUA BEN LÉVI : " L'étude des Michnayot est un pilier d'acier !" »
Le Yefat Tohar (un des commentateurs principaux du Midrach Rabba) explique que l'intervention de RABBI YEHOCHOUA BEN LÉVI a pour but de nous enseigner que l'étude des Michnayot est l'élément essentiel permettant d'accéder au Monde Futur. En effet, celles-ci constituent la clé de voute d'une étude ordonnée et pérenne, à propos de laquelle nos Sages ont dit [traité "Péah" Chap.1, Mich.1] : « L'étude de la Torah équivaut à toutes les autres (Mitsvot, car elle est garante d'un accomplissement parfait des lois [Tosfot Yom Tov]). »
C'est ainsi que le Maharal de Prague affirme [Tiféreth Israël, Chap.56] : La Michna est le pilier d'acier qui soutient tout l'édifice de la Torah. Dès lors, il est clair que celui qui ne connait pas les Michnayot ne dispose d'aucune base (solide pour évoluer correctement dans la connaissance de la Torah) ! Cette conclusion est mise en perspective par l'enseignement que nous propose RECH LAKICH [Ta'anit, 7b] lorsqu'il dit : « Si tu vois un étudiant en Torah pour lequel l'acquisition des enseignements de son étude lui est difficile au point qu'ils soient comparables à de l'acier, sache que cela tient au fait qu'il a des carences dans la connaissance des Michnayot. Que peut-il alors faire ? Qu'il aille étudier (c.-à-d. qu'il aille parfaire sa connaissance des Michnayot [Rachi]) à la Yéchiva avec encore plus d'assiduité ! »
À cet égard, l'exemple de RECH LAKICH est éloquent ; il révisait 40 fois le corpus complet des Michnayot, [à l'image des 40 jours durant lesquels Moché Rabbénou reçut la Torah au Mont Sinaï] avant de se présenter chez RABBI YO'HANAN son maître et d'apprendre la Guemara de sa bouche. Il n'était toutefois pas le seul ; telle était la façon dont les Amoraïm (maîtres de l'époque du Talmud) procédaient afin d'acquérir définitivement la Torah pour laquelle ils investissaient tant d'efforts. Il est ainsi rapporté que RAV ADA BAR AHAVA révisait l'ensemble des Michnayot 24 fois avant d'étudier plus avant chez RAVA, son maître.
Rabbénou Ovadia MiBarténora fait partie de ces véritables maîtres d'Israël qui ne furent pas simplement d'extraordinaires puits de connaissances, mais avaient également des qualités pédagogiques inégalables. Rabbénou Ovadia MiBarténora [approx. 1440 - 1519] fut un des maîtres d'Israël à la fin de la période dite des "Richonim" qui couvrit toute la période médiévale depuis Rabbi Yits'hak Alfassi, appelé couramment le "Rif" [1013 - 1103] jusqu'à l'avènement du guide de la loi juive, Rabbi Yossef Karo [1488 - 1575]. De son vrai nom Rabbi Ovadia Yaré [יָרֶא], il est connu pour la postérité comme Rabbénou Ovadia MiBarténora (ou ses initiales Ra'av) du nom du fief où il naquit, Barténora, petite ville du nord de l'Italie.
Érudit dès son plus jeune âge, il fut dans tout d'abord le Grand-Rabbin d'une ville italienne nommée Castello, poste qu'il occupa durant plusieurs années tout en tirant sa subsistance de son métier de banquier. Élève attitré du Rav Yossef Colon (ou Maharik), un des grands maîtres de l'époque, il entama par la suite la périlleuse aventure de monter en Eretz Israël, terre alors désolée et où les moyens de subsistance étaient rares et les épidémies nombreuses. Son amour de la Terre d'Israël et son érudition firent de lui, dès son arrivée à Jérusalem, un membre recherché de la communauté juive de l'époque. Il fut ainsi rapidement nommé au poste de "Grand-Rabbin de Jérusalem". Loin d'aborder ce titre comme une marque honorifique, il s'investit corps et biens à soulager la communauté de ses maux, tant spirituels que matériels. Outre les nombreuses décisions Halakhiques qu'il proféra dès cette époque et qui firent de lui un "Grand" de sa génération, il participa de ses propres deniers au financement du service du "dernier devoir" ('Hévra Kadicha) de la ville et s'impliqua au développement spirituel d'une communauté décimée.
Qualifié par la référence rabbinique de la génération, Rabbi David Ben Zimra (communément appelé le Radbaz) de "maître face auquel les sages de France, d'Allemagne et d'Espagne sont soumis comme des élèves", c'est à cette époque qu'il entreprit la rédaction de son commentaire sur les Michnayot. Cette oeuvre gigantesque, qu'il rédigea sur deux décennies, établit un standard encore inégalé à ce jour. À travers ce vecteur de base du Judaïsme qu'est la Michna, il permit l'accès aux conclusions du Talmud au plus grand nombre, et ce, en prenant l'étudiant par la main, pas à pas, comme seul Rachi avait su le faire avant lui.
Le commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora a ceci de particulier qu'il propose une explication littérale des Michnayot associée à une approche Halakhique de ses propos afin de présenter le plus synthétiquement possible les principes utilisés par nos maîtres, notamment ceux du Talmud. C'est ainsi qu'il regorge de références au commentaire de Rachi sur la Guemara, ainsi qu'aux conclusions Halakhiques qu'établir les décisionnaires phares de la période médiévale comme le Rambam et le Roch. Son approche extrêmement concise est de nos jours parfois difficile d'accès, et ce, même pour des étudiants aguerris. Cela n'entame toutefois pas la pertinence et l'universalité de son commentaire qui restent à ce jour inégalables, étant depuis plus de cinq siècles la référence absolue des commentaires dévolus à la Michna, à la manière de ce que le commentaire de Rachi est à la Torah.
Notre challenge et notre mérite (nous l'espérons) est d'essayer de donner accès au commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora à tous ceux qui sont prêts à dédier l'effort nécessaire pour le comprendre. Sachez que le résultat et la satisfaction que vous en tirerez sont incommensurables !
Le Rav 'Havot Yaïr (1638-1701) de Francfort écrit qu'un homme doit prendre l'habitude d'étudier les Michnayot avec son fils, un peu chaque jour, et surtout veiller à ce que ce dernier les révise sans relâche. En effet, il s'agit là d'une attitude qui conditionnera grandement son évolution dans l'étude de la Torah par la suite. Ceci est d'autant plus vrai depuis qu'est apparu le commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora, véritable résumé du Talmud (permettant une compréhension précise et rapide des Michnayot) !
"La Michna" aux Éditions Pin'has Félix Ohayon est conçue comme un livre d'étude. Cela signifie que son objet est d'accompagner toutes les personnes qui aspirent à être capables d'étudier les textes de nos Sages par elles-mêmes.
Dans cette perspective, nous avons tenu à ce que les textes de la Michna et du commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora soient présentés à la manière dont ils le sont dans les éditions classiques : le texte de la Michna au centre et le commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora tout autour, sous forme de colonnes. Cette présentation a ceci de particulier qu'au-delà de son aspect ergonomique, elle constitue une véritable invitation à l'étude, celle qui nécessite de jongler d'un texte à l'autre afin que l'esprit s'aiguise et assimile le plus clairement possible les notions et débats présentés. Nos maîtres n'étaient pas simplement d'extraordinaires puits de connaissances ; ils avaient des qualités pédagogiques inégalables.
C'est ce souci de conserver une pédagogie "authentique" qui nous a conduits à proposer une traduction qui soit la plus littérale possible, tout en tenant compte des contraintes que la langue française nous impose. Loin de se vouloir académique, cette traduction a été conçue en essayant de préserver l'esprit et les formulations si particulières que nos maîtres ont employés.
C'est dans cette perspective que la présentation de notre traduction de
la Michna comporte trois parties distinctes :
Le choix du commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora comme base explicative des Michnayot nous paraît se passer de justification. Il est depuis près de cinq siècles le commentaire de référence de la Michna, acclamé pour sa concision, sa clarté et son approche exhaustive. Au-delà de l'explication littérale qu'il propose, quasiment toujours fondée sur les explications du Talmud, et ce, en employant le langage saint et si précis de nos Sages, il a su présenter les conclusions halakhiques découlant des textes de nos maîtres, notamment en s'appuyant sur les décisions du Rambam. Ainsi, même s'il est vrai que d'autres explications furent élaborées par la suite, le commentaire de Rabbénou Ovadia MiBarténora demeure à la Michna ce que celui de Rachi est au 'Houmach et au Talmud ; incontournable et essentiel !
Là encore, notre souci fut de présenter la traduction le plus littérale possible, tout en privilégiant la compréhension des notions développées et en tenant compte des contingences de la langue française. À cette fin, la traduction proprement dite est présentée en caractères classiques, tandis que les raccords de syntaxe et d'éventuels compléments d'explication sont présentés entre parenthèses et en italique.
Pour que cette étude ne soit pas "passive" (car on ne parlerait alors plus d'étude), mais au contraire "constructive" et ouvrant la voie à l'autonomie, nous avons inséré dans chaque page du texte hébreu une colonne reprenant la traduction des termes les plus courants du langage employé par nos Sages, tant hébreux qu'araméens. Ces mots sont présentés de manière récurrente et selon le fil des textes de la Michna et du Barténora afin que leur acquisition puisse se faire le plus simplement possible.